La fissuration
Le retrait est la principale cause de fissuration non structurale des ouvrages en béton. Elle se produit sur la quasi-totalité des éléments non précontraints et non libres; même si elle est parfois invisible à l’œil nu.
Sa gravité est fonction de nombreux paramètres, qui seront vus plus en détails dans une prochaine partie. Elle se produit lorsque le retrait est empêché par une forte adhérence au support, par une différence de retrait au sein même de l’ouvrage, ou par un encastrement. Lorsque le retrait n’est pas contrarié, aucune fissure n’apparait. La figure ci—dessous illustre ces propos en montrant la fissuration probable de retrait à long terme pour une dalle posée sur des rouleaux (déplacement horizontal possible) et pour une autre coulée sur un sol très adhérent :
Si une dalle de 20 m de long et de 20 cm d’épaisseur, peut partiellement se déplacer sur son support grâce à une couche de glissement (film polyane par exemple), la contrainte maximale due au retrait à long terme vaut (Annales de l’lTBTP n°482, mars-avril 1990) :
La résistance à la traction du béton âgé de 28 jours étant typiquement de 2 à 3 Mpa, le retrait à long terme d’une dalle ne suffit donc pas à la fissurer; il faut que ce retrait soit empêché. Cependant, si la pièce est librement déplaçable, la contrainte de retrait est très faible mais il apparait une déformation d’ensemble (raccourcissement, tuilage, …).
Terminologie
Le faïençage
C’est un type de fissuration facilement reconnaissable à Ia forme des fissures : elles se présentent sous forme de réseaux plus ou moins hexagonaux de 10 a 40 mm, qui se forment rapidement. La profondeur n’atteint pas plus de 3 mm, en ce sens le faïençage n’affecte ni la résistance ni la durabilité de la structure concernée. En revanche, il va favoriser une usure prématurée par un délitage et un écaillage progressif de la surface, et peut conduire à des difficultés dans l’exploitation de l’ouvrage.
Les autres types de fissures sont définis comme suit :
Microfissure : Ouverture inférieure à 0,2 mm
Fissure : Ouverture entre 0,2 mm et 2 mm
Lézarde : Ouverture supérieure à 2 mm
Ces définitions ne sont pas universelles, mais donnent un bon ordre de grandeur. Le retrait donne lieu le plus souvent à des fissures assez peu ouvertes (faïençage ou microfissure) mais ce sont dans certains cas des fissures actives, c’est-à-dire qu’elles évoluent dans le temps.
L’apparition d’une fissure
Une fissure de retrait se produit à l’endroit ou la déformation de retrait donne lieu 21 une contrainte de traction interne supérieure à la résistance du matériau. Si ce dernier ne peut pas se déformer librement, elle se produit lorsque
Au cours du temps, l’augmentation de la résistance à la traction s’accompagne de l’augmentation du module d’élasticité. ll s’avère que dans un premier temps, le module d’élasticité augmente plus rapidement que la résistance à la traction (en termes de pourcentage de leur valeur maximale), ce qui se traduit par une diminution progressive de la déformation limite. Ainsi, la déformation limite Sigma / E évolue de cette manière :
L’intersection de cette courbe avec la courbe de retrait correspond au moment où le matériau se fissure. Ainsi :
- Il est préférable de retarder le début et modifier la pente du retrait à l’aide d’une cure adaptée et de bonnes conditions de mûrissement, ainsi qu’augmenter la déformation limite en choisissant un ciment a faible chaleur d’hydratation ou à prise Iente par exemple.
- Le retrait plastique, d’une grande ampleur, fait apparaitre très tôt des fissures (courbe bleue).
Sur le graphique, le béton avec un rapport (Sigma/E1) supérieur à (Sigma/E2) , ne fissure pas. Pour une même valeur de retrait, le risque de fissuration diminue lorsque le rapport (Sigma/E )est fort, et donc lorsque le module E est faible.
Or, nous savons que E varie avec Sigma. Une diminution de E va bien faire diminuer le rapport (Sigma/E) car E varie plus vite que (Sigma) . Comme diminuer le module d’élasticité revient à diminuer la résistance, Ie risque de fissuration diminue lorsque Ia résistance à Ia traction est faible. ll faut comprendre que le retrait n’impose pas une contrainte au béton, au même titre qu’une charge par exemple, mais il impose une déformation, qui va induire une contrainte dont la valeur dépend des propriétés du béton (et donc de son âge). En ce sens, un béton doit être ductile pour résister a un retrait donné, et en règle générale cela va avec la perte de résistance mécanique. Au jeune âge, lorsque la capacité de déformation est importante, il faut un fort retrait pour- faire apparaitre une fissure. C’est ce qui se passe avant la fin de prise pour le retrait plastique. Ce retrait augmente encore beaucoup après l‘apparition de la première fissure, comme on peut le voir sur la courbe bleue du graphique précédent. En dépit de la grande ductilité du matériau à cette période, la différence entre le retrait et la déformation limite se creuse rapidement et est donc grande, il en découle que la distance r sur laquelle le retrait pourra se faire sans rupture du matériau est faible. On peut illustrer ces propos en schématisant des cercles de diamètre r à la surface d’un élément de béton :
Les fissures se formeront aux tangentes de ces cercles, formant ainsi une figure caractéristique de faiençage.
On peut en déduire que plus les figures de faiençage sont petites, plus le retrait a évolué rapidement, et donc plus la fissuration est apparue tôt.
Lorsque le béton atteint une certaine maturité, la courbe de retrait qui va croiser celle de la déformation limite a une pente plus douce, et donc I ’écart entre les deux courbes varie lentement et donc reste assez faible (la courbe des déformations limites peut même repasser au-dessus de celle du retrait de fluage). La distance r sur laquelle Ie retrait pourra se faire sans rupture du matériau est plus grande, les cercles deviennent plus grands, et des fissures caractéristiques des retraits à long terme apparaissent:
II est important de constater qu’une fissure se produit toujours perpendiculairement à la direction de la contrainte de traction.Lorsqu’ une fissure apparaît, les contraintes de traction s’annulent dans le sens perpendiculaire à la fissure, donc une nouvelle fissure ne peut se former au même endroit uniquement dans une direction sensiblement perpendiculaire à la première fissure. Deux fissures de retrait qui se croisent forment un angle droit ou presque. Si vous observez deux fissures formant un angle très aigu, au moins l’une d’entre elle n’est pas liée au retrait. On observe une diminution des contraintes au voisinage d’une fissure dans une direction puis de l’autre dans la seconde direction sensiblement perpendiculaire à la première.
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