Les bétons de fibre (6/8) – Comportement des fibres dans la matrice

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En ce qui concerne la compréhension du matériau et l’action macroscopique des fibres à l’échelle de l’élément de structure considéré il est important d’évoquer des phénomènes d’échelle et d’attirer l’attention sur des paramètres comme l’orientation préférentielle des fibres, leurs caractéristiques dimensionnelles.

Action de plusieurs fibres, effets d’échelle

Ce phénomène a été constaté en faisant varier le dosage en fibre d’un mélange avec une quantité de pâte donnée. On pourrait croire que le pourcentage de fibre est directement proportionnel aux caractéristiques mécaniques obtenues. En réalité il n en est rien. Même si cela était le cas, il est impossible d’augmenter le taux de fibres de façon très importante pour des questions de maniabilité notamment.

Considérons deux fibres distantes plongées dans la pâte de ciment. Lorsqu’une fissure se manifeste, et qu’une des deux fibres possède une orientation exactement perpendiculaire à la fissure, cela lui confère une action supérieure à l’autre fibre. La première fibre peut agir sur la seconde par l’intermédiaire d’une compression de la matrice cimentaire et ainsi provoquer une action combinée des deux fibres supérieures à la somme des actions individuelles des deux fibres. A contrario, lorsque les fibres sont trop proches, la fine couche de pâte qui les sépare ne suffit pas à provoquer cette synergie. Pire, l’action résultante des deux fibres est inférieure à la somme de leur action individuelle.On peut ainsi définir une fourchette qui fixe un taux de fibre dans le mélange. [Rossi]

Les paramètres qui influent sur le mélange

Forme de la fibre

On s’intéresse ici à certains paramètres dimensionnels des fibres, et à leur influence sur le matériau. [E.Parant, 2006] rapportent les travaux effectués sur des BFUP pour comprendre l’action des fibres de différente forme. L’emploi de fibres à crochet permet par exemple d’augmenter de 20 % le module de rupture passant ainsi de 50 à 60 MPa. L’augmentation de l’effet d’ancrage qui résulte de l’emploi de telles fibres est un paramètre permettant d’optimiser la géométrie des fibres pour obtenir une dissipation d’énergie maximum.

Cependant il faut considérer le fait que dans le cas des BFUP, la matrice cimentaire est très compacte et très résistante. Cela a pour conséquence de rendre prépondérant, le mode de rupture de la fibre par frottement. La surface développée d’une fibre isolée peut être améliorée grâce à une recherche de forme torsadée. Les expériences montrent notamment des améliorations comparativement meilleures avec l’emploi de ces fibres.

On remarque que comme nous l’avons mentionné, la qualité de la matrice cimentaire est très importante. Dans le cas des bétons riches en ciment et en fumée de silice, les effets de faiblesse au niveau de l’interface sont minimisés et favorisent l’action des fibres (microfibres). Cela contribue à expliquer la résistance exceptionnelle de ce matériau. Il est communément admis que l interface présente une porosité importante. La fumée de silice peut agir par effet filler et par réaction chimique directe avec la Portlandite pour améliorer l’interface [Sozoushian et Bayasi, 1988 ] .

Surface de la fibre

Certaine étude comme celle de [P.Rossi], mentionnent l’importance de la surface de contact avec le béton. Cependant certaines recherches montrent peu d’amélioration de la résistance par traitement de surface de mélanges de micro fibrés (thèse P.Pascal). On peut remarquer qu’il existe très peu de résultats concernant ce sujet et que les interprétations proposées dans les articles sont parfois contradictoires.

Du matériau à la structure

Les mécanismes principaux qui décrivent l’action des fibres dans le béton ont été présentés. Il est important d’ attirer l’attention sur le fait que le comportement du matériau à l’échelle de la structure est parfois différent du comportement observé dans la microstructure. On peut citer comme exemple l’apport de ductilité caractéristique des BFM dont l’origine est la création et la propagation de la macro fissure.

L’étude des contraintes au niveau de l interface a cependant a permis de réelles améliorations dans le domaine des bétons renforcés de fibres métalliques. Le composite multi échelle développé au LCPC correspond à la prise en compte des deux effets : matériaux et structure.

Ce béton comprend un pourcentage de micro, méso et macro fibres. Ainsi, on espère coudre les macro-fissures avec les fibres longues et éviter la coalescence des microfissures grâce à l’action des microfibres. Un effet supplémentaire de synergie entres fibres de taille différente s’opère liant ainsi le matériau à plusieurs échelles.

Suite : les bétons de fibre (7/8) – Conclusion